Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde (2/3)

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  • Titre: Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde
  • Titre original: Treasure Islands: Tax Havens and the Men who Stole the World
  • Auteur: Nicholas Shaxson
  • Édition brochée: 384 pages
  • Editeur: Vintage
  • Date: 5 janvier 2012
  • Langue: Anglais

L’eurodollar et le Big Bang en économie, c’est quoi?

Comment les britanniques et les américains ont crée leurs paradis fiscaux?

Où se trouvent les plus gros paradis fiscaux?

[Note: Pour information, j’ai lu la version originale en anglais et à ma connaissance il n’y a pas de traduction en français à ce jour]

Dans cette deuxième partie du livre “Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde” de Nicholas Shaxson, on continue notre visite de ce monde sans pitié et sans limites autour des paradis fiscaux et des pratiques qui enrichissent une poignée de privilégiés aux détriments d’une majorité.

La première partie avec les endroits pour ne pas payer d’impôts, l’origine des paradis fiscaux et le fonctionnent des systèmes offshore se trouve ici: “Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde (1/3)

Résumé (2/3)

Chapitre 5 – Eurodollar: le plus gros Big Bang

Avec les accords de Bretton Woods, l’économie américaine s’est bien développée dans les années 50. Wall Street et les banquiers étaient contrôlés par des réglementations strictes depuis la Grande Dépression. C’était le moment pour eux de trouver des sorties de secours… situées à Londres.

En 1955, il devenait évident que l’empire britannique était en train de s’effriter. En 1965, l’empire ne régnait plus que sur 5 millions de personnes, contre 700 millions à la fin de la seconde guerre mondiale.

Londres a commencé sa croissance en tant que centre financier au moment du Big Bang en 1986 quand Margaret Thatcher a fortement déréglementé les marchés financiers. Pour beaucoup d’économistes, c’est le point de départ de la libéralisation de l’économie mondiale. La City de Londres perdait son emprise impériale mais se transformait en île offshore au service d’autres entreprises très dynamiques.

Pas tout l’empire a disparu et 14 petites îles états n’ont pas choisi l’indépendance et ont préféré former les Territoires Britanniques d’Outre-mer, sous le pouvoir de la reine. La moitié de ces îles (Anguilla, Bermudes, Îles Vierges Britanniques, Îles Cayman, Gibraltar, Montserrat et les Îles Turques et Caïques) sont des jurisdictions confidentielles, supportées et gérées activement par la Grande-Bretagne et très liées à la City de Londres.

Depuis, le marché offshore de Londres a explosé. Il a considérablement attiré les banquiers américains qui souhaitaient éviter la réglementation locale avec la célèbre loi Glass-Steagall de 1933 qui les empêchaient de détenir des produits trop risqués. Cette loi utile a fini par être abolie en 1999 par Clinton, elle était devenue obsolète puisque les banques l’évitaient grâce à Londres.

Régulièrement les gouvernements essaient de taxer ou de réguler ses marchés, mais échouent à chaque fois, comme avec l’Eurodollar ou le contrôle des liquidités et des réserves des banques. Malheureusement, comme le monde l’a découvert de nouveau en 2007, ce sont les contribuables ordinaires qui paient les pots cassés et pas les financiers qui font des paris fous!

Différentes techniques ont permis progressivement de détériorer la qualité des crédits sans que les régulateurs ne s’en aperçoivent. Et le pire ennemi de la régulation était la Banque d’Angleterre favorisant les systèmes bancaires parallèles constitués des produits les plus dangereux et explosifs.

Les eurodollars ont permis aux États-Unis de consolider leurs énormes avantages, de financer leur déficit, de se battre dans des guerres étrangères et d’exercer leur pouvoir un peu partout.

Chapitre 6 – La construction d’une toile d’araignée

La toile d’araignée de services financiers tissée depuis Londres dans les années 60 permettait d’offrir aux juridictions proches des solutions peu taxées, peu régulées et confidentielles. L’argent des criminels et des autres pouvait être géré depuis la City de Londres tout en étant suffisamment loin de Londres pour ne pas attirer les regards.

Les dépendances de la couronne britannique telles que Jersey, Guernsey et l’Île de Man constituaient le premier cercle de la toile d’araignée et se focalisait principalement sur l’Europe. Les territoires d’outre-mer dans les Caraïbes se focalisaient plutôt sur le continent américain. D’autres anomalies éparpillées dans le monde comme Hong Kong s’occupaient du reste.

La paradis fiscal des Îles Cayman a débuté en 1967 au travers de quelques changements de loi depuis le Royaume-Uni. Certaines erreurs ont été commises, très probablement de manière délibérée et ont permis d’établir une relation spéciale: le Royaume-Uni restait aux commandes, tout en prétendant qu’il ne l’était plus. L’argent affluait dans les Îles et surtout dans les caisses des dirigeants, alors tout le monde fermait les yeux sur ce qui se passait réellement. Le modèle s’est reproduit d’île en île…

Les voyages se démocratisant, de plus en plus de britanniques venaient ouvrir des comptes dans les îles avec la fiabilité et le confort britannique, mais où les intérêts n’étaient pas taxés et restaient secrets.

Jersey par exemple ne fait pas partie de l’Union Européenne, mais choisit les lois qui l’intéresse et rejette les autres. Hong Kong a ses propres lois avec une grande autonomie vis-à-vis de la Chine à part pour la défense et les relations étrangères. Singapour connait son succès grâce à son blanchiment d’argent des membres du gouvernement Indonésien et de ses hommes d’affaire corrompus, et grâce à ses casinos pour l’argent sale chinois.

Les banques utilisent des pratiques douteuses pour augmenter leurs réserves d’argent comme par exemple écrémer les comptes de personnes décédées, ou en offrant des taux d’intérêts plus bas que la normale mais en offrant la confidentialité.

Les paradis fiscaux continuent de faire ce qu’ils font de mieux: trouver de nouveaux moyens pour contourner et ignorer les lois et les règles des autres pays comme avec la création des trusts. Il est aussi la plupart du temps impossible de connaitre la moindre information d’une entreprise dans ces îles sans passer par une bataille de procès.

Chapitre 7 – La chute des USA

Cette période est marquée par le fait que les USA ont arrêté de s’inquiéter et ont commencé à adorer faire du business offshore. Jusqu’en 2005, les banques américaines étaient libres de recevoir les capitaux générés au travers de crimes commis à l’étranger comme la contrebande, le racket et l’esclavage. Profiter d’un crime était légal à condition que le crime avait eu lieu ailleurs. La plupart des ces failles sont maintenant fermées… mais pas toutes! Les USA restent une terre d’accueil pour l’argent sale et l’évasion fiscale.

La moitié des propriétés à Miami et les plus gros yachts sont détenus par des sociétés écrans offshores. C’est le choix de prédilection des anciens chefs de gouvernement des pays en Amérique Latine, des généraux et des amis de la CIA.

Grâce aux “impôts différés”, tant que le capital reste à l’étranger, il est tranquille et n’est pas taxé. Mais il existe en plus des failles dans le système qui permettent de rapatrier cet argent, sans compter les amnisties.

Les intérêts des plus gros criminels, des services secrets, des américains les plus riches et des entreprises américaines convergent de plus en plus vers les systèmes offshore. Ces derniers aident les entreprises criminelles à imiter les entreprises légitimes et encouragent les entreprises légitimes à se comporter comme les entreprises criminelles.

L’aspect confidentiel et secret rend la criminalité possible. Dans un monde concurrentiel, tout ce qui est possible devient nécessaire. Et malheureusement pour la plupart des états, s’ils n’arrivent pas à lutter contre les marchés offshore, ils ont plutôt intérêt à les rejoindre.

En 1981, les américains avec Ronald Reagan offrait une nouvelle possibilité offshore avec le Service Bancaire International (IBF, “International Banking Facility”). Les banquiers américains pouvaient maintenant faire localement ce qu’ils ne pouvaient faire que dans les autres paradis fiscaux avant: prêter à des étrangers, sans réserve minimum et sans taxes.

La finance offshore (à l’étranger) se déplaçait onshore (dans le pays). Il était de plus en plus dur de différencier les deux. Les US devenait le paradis fiscal le plus attractif au monde!

Voici une autre ruse mise en place par les paradis fiscaux… le paradis fiscal établit des traités qui leur demandent d’échanger des informations avec des juridictions étrangères. Ensuite le paradis fiscal met en place une structure où dès le départ il n’a jamais l’information à échanger. Il garde son secret et en pointant vers son traité il peut assurer qu’il est une juridiction transparent et coopérative.

Le Delaware est le plus gros fournisseur de confidentialité offshore pour les entreprises, le Nevada et le Wyoming sont les plus opaques. L’Arkansas, l’Oklahoma et l’Oregon sont régulièrement utilisés pour des fraudes par la Russie et les pays de l’Europe de l’est. Le Texas et la Floride sont des paradis pour les fortunes illégales d’Amérique Latine. La plupart des manipulations des marchés financiers étudiées par le FBI implique des sociétés écrans américaines dans ces états.

Les avocats, les banquiers, les comptables, les brokers sont tous coupables. Les états américains raclent quelques centaines de dollars en frais et les crimes à travers le monde restent impunis.

L’offshore repackage ce qui se passe ailleurs en changeant la forme mais pas la substance d’une transaction… jusqu’à il y a seulement quelques années, dans de nombreux pays de l’OCDE, la corruption était même déductible des impôts.

Chapitre 8 – Les pertes profondes du développement

… ou comment les paradis fiscaux nuisent aux pays pauvres.

Les anciens paradis fiscaux européens se focalisaient sur l’évasion fiscale et la confidentialité. Les nouvelles zones américaines et britanniques se focalisaient sur comment échapper aux régulations financières. Les deux se mélangent maintenant.

Beaucoup de personnes pensaient qu’en éliminant la double taxation et en facilitant les mouvements de capitaux, le système offshore rendait l’économie mondiale plus efficace. En fait, il redistribue les richesses vers le haut et les risques vers le bas, et crée au passage une solution globale pour le crime.

Mais le système offshore ne peut fonctionner que s’il y a un système onshore. Un exemple concret et pratique du système offshore peut être expliqué avec le cas de la Banque de Crédit et de Commerce Internationale (BCCI, “Bank of Credit and Commerce International”). La BCCI a grossi très vite avec un modèle économique très simple: créer l’apparence d’un business honorable, se faire des amis puissants, puis accepter de faire n’importe quoi, n’importe où, sur le compte de n’importe qui, pour n’importe quelle raison. Elle a versé des pots-de-vin aux hommes politiques et a servi les pires malfaiteurs de la planète.

Au cours de l’histoire, les États-Unis sont devenus de plus en plus puissants en mettant les gouvernements africains à leurs pieds. Au fur et à mesure que ces pays d’Afrique gagnaient leur indépendance en quittant les puissances coloniales, leurs ressources étaient toujours plus pillées par ces mêmes pays au travers des systèmes offshore. L’indépendance est significative pour leur élite dirigeante, mais les mécanismes d’exploitation sont encore bel et bien là.

Entre 1970 et 2008, d’après le GFI (“Global Financial Integrity”), les mouvements illicites financiers en-dehors de l’Afrique sont estimés à 854 millions de dollars. Les mouvements illicites totaux sont estimés à 1.8 milliards de dollars. En 2006, ils étaient de mille milliards, soit 10$ pour chaque dollar d’aide.

Le scénario classique de pillage en règle en Afrique se déroule de la manière suivante: les banquiers prêtent à un des pays bien plus d’argent qu’il ne peut absorber en produisant. Ensuite ils apprennent à l’élite locale comment piller les richesses, les cacher, les blanchir et les envoyer offshore. Enfin le FMI aident les banquiers a pressuriser le pays à rembourser sa dette en le menaçant de l’étrangler financièrement. Ce mécanisme a transformé le secteur de la banque privé en un des modèles les plus profitables de l’histoire.

Pour aggraver le problème, des “fonds vautours” sont mis en place pour de riches investisseurs étrangers qui achètent les dettes souveraines de ces pays en difficulté pour une misère et les revendent une fortune une fois que la dette est remboursée. Évidemment, quelques locaux influents doivent rejoindre les investisseurs pour persuader les gouvernements des pays africains. Leur implication est dissimulée derrière la confidentialité offshore et les citoyens ne savent jamais comment les richesses de leur pays sont volées.

La suite et fin au prochain épisode avec le cliquet, la résistance, la vie offshore et le griffon: “Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde (3/3)“…

C’EST À VOUS: Que connaissez-vous de ce monde décrit par Nicholas Shaxson? Vous parait-il réel ou exagéré?

Lire des commentaires en français de “Treasure Islands: Tax Havens and the Men who Stole the World” sur Amazon.fr

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7 réponses

  1. Bonjour,
    ce que ne dit (certainement) pas ce livre c’est que les USA attirent l’argent sale ou pas sale dans les paradis fiscaux anglo-saxons pour, finalement, les taxer… Il ne faut pas croire que les grosses entreprises et les mafieux vont échapper à l’impôts éternellement. Les USA sont en train de mettre en place un système de contrôle à la Big Brother. Ils ont besoin de tout rassembler dans des structures qu’ils peuvent contrôler.
    Le but final est de pouvoir geler la finance mondiale : le Ice-Nine. Cela n’est possible que si une poignée de banques contrôle tout. C’est ce qui est en train de se mettre en place.

    • Salut Michel,

      À mon avis, les paradis fiscaux ne sont pas prêts de connaitre leur mort, c’est plutôt l’inverse même! Et la raison en est toute simple: les personnes au pouvoir ont beaucoup plus à gagner en les conservant qu’en les annihilant… c’est d’ailleurs comme ça qu’ils se mettent en place.

      La lutte de la part des États-Unis et du Royaume-Uni par exemple est totalement artificielle, de la poudre aux yeux. Ce sont eux les instigateurs ou facilitateurs avec les banques!

      Et de toute façon, je présenterai ma conclusion dans le dernier volet, mais il ne faut pas faire un amalgame et tout jeter dans les paradis fiscaux…

      Ben

      • Pour aller dans ton sens on peut dire qu’il y aura toujours de petits pays qui lutteront et offriront une fiscalité moindre. Cependant, le mouvement est en marche. Les US sont en train de mettre en place un système de concentration et de contrôle des mouvements financiers. Certains pays sont déjà en train de faire la chasse au liquide. Tout doit passer par les flux financiers, et au final les grandes banques américaines (sauf les terroristes que l’on n’inquiète pas – normal – ils sont financés par ce biais également).

        Les US veulent aussi récupérer l’argent des grandes sociétés. Ils ont du mal mais ils y arriveront. Ceux qui ne craignent ce sont les banquiers. Car le FMI, la FED créent de la monnaie pour eux. Et stockent de l’or.

        Un paradis fiscal ne sert pas à grand chose si les devises perdent chaque année 5% de leur valeur. Les banques viennent d’inventer les taux d’intérêt négatifs ! À ajouter à l’inflation.

        • Salut Michel,

          Les grandes puissances n’arrêteront pas les paradis fiscaux… ils ont été crées par eux et pour eux avant tout. Elles feront peut-être semblant de les arrêter, mais ça n’ira pas plus loin… où alors elles mettront en place d’autres mécanismes similaires pour obtenir des résultats très similaires!

          Ben

  2. Mon expérience professionnelle de plusieurs décennies pendant lesquelles j’ai eu pour clients des firmes operant offshore est que Nicholas Shaxman n’exagère rien et son livre doit être diffusé. Je crois que nous allons vers un effondrement du système monétaire actuel parce que toutes les bulles finissent par crever et la prochaine va concerner l’ensemble de la dette mondiale donc va faire vraiment mal, voir http://www.comitebastille.org/2018/11/la-crise-financiere-va-debuter-entre.html. Je crois que la seule solution à long terme est le remplacement progressif de tout impôt sur le revenu par un impôt général et progressif sur le patrimoine, ou actif net. Voir http://www.comitebastille.org/2018/11/la-crise-financiere-va-debuter-entre.html

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