Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde (3/3)

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  • Titre: Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde
  • Titre original: Treasure Islands: Tax Havens and the Men who Stole the World
  • Auteur: Nicholas Shaxson
  • Édition brochée: 384 pages
  • Editeur: Vintage
  • Date: 5 janvier 2012
  • Langue: Anglais

Quelles sont les racines de la dernière grosse crise financière mondiale?

Comment les paradis fiscaux exercent leur pression et leur pouvoir?

Quelles sont les solutions pour lutter contre l’offshore?

[Note: Pour information, j’ai lu la version originale en anglais et à ma connaissance il n’y a pas de traduction en français à ce jour]

La troisième partie du livre de Nicholas Shaxson aborde ces sujets, en pointant de plus en plus le doigt sur les coupables pour conclure avec des solutions pour lutter contre un système qui s’enfonce et menace de tout emporter sur son passage…

On finit avec ma critique du livre et mon point de vue sur les paradis fiscaux!

La deuxième partie avec l’eurodollar, la construction d’une toile d’araignée, la chute des USA et les pertes profondes du développement se trouve ici: “Îles au trésor: Les paradis fiscaux et les hommes qui ont volé le monde (2/3)

Résumé (3/3)

Chapitre 9 – Le cliquet, les racines de la crise

On peut toujours dire que les prêts sont néfastes, mais dans des marchés dérégulés ce sont toujours les pauvres et les plus vulnérables qui paient le plus.

Certains pays voient les lois pour réguler les activités économiques comme des problèmes complexes au niveau moral, politique et économique, les paradis fiscaux voient ça comme des solutions à vendre pour rendre les locaux riches.

La dérégulation massive à travers le monde n’a pas seulement dérégulé le New Deal mais aussi des règles beaucoup plus anciennes lié à l’usure et aux prêts.

Dans l’histoire plus récente, les fonds monétaires sont devenus une source essentiel pour financer les banques afin qu’elles dissimulent leurs vraies opérations. Les techniques de titrisation c’est-à-dire de morceler les prêts immobiliers et autres prêts (cartes de crédits, crédits à la consommation, etc.) ont fini par rendre le système beaucoup plus fragile dans son ensemble.

Le système global bancaire a progressivement fait la transition d’un modèle où l’épargne était placée sur des investissements efficaces vers des modèles beaucoup plus spéculatifs basés sur des frais réguliers.

Au final, un paradis fiscal est un état capturé par les intérêts financiers d’une autre entité ailleurs.

De nouvelles structures juridiques ont éclos un peu partout avec notamment les Partenariats à Responsabilités Limitées (Limited Liability Partnerships, LLP) qui permettent aux partenaires de gagner sur tous les fronts sans avoir à divulguer des informations, en payant moins d’impôts et en étant moins régulés, tout en ayant une protection avec des responsabilités limitées.

Toutes les grosses entreprises de Wall Street utilisent les paradis fiscaux pour prendre des risques de plus en plus élevés en cachant tout dans les paradis. Si les affaires tournent au vinaigre, tout est dissimulé ailleurs et les contribuables doivent mettre la main à la poche pour éponger.

Chapitre 10 – La résistance, au combat avec les guerriers idéologiques de l’offshore

La bataille d’idée au sujet des paradis fiscaux a démarré… l’OCDE, regroupant les pays les plus riches mais aussi les jurisdictions secrètes les plus importantes au monde a admis en 1998 que les paradis fiscaux créent de gros dégâts:

  • Ils érodent la base fiscale des autres pays
  • Ils déforment les modèles d’échanges et d’investissement
  • Ils sapent l’équité, la neutralité et l’acceptation sociale en général des systèmes d’impôts

Les taux d’imposition des particuliers ont baissé dans certains pays. Mais cette illusion dissimule souvent le fait que les riches déplacent leurs capitaux au sein d’entreprises qui sont moins taxées que les particuliers ou déclarent leurs revenus comme des gains mobiliers qui sont généralement moins taxés.

Les impôts, pas les aides, sont pourtant le meilleur moyen à long terme pour financer le développement. Les impôts rendent les gouvernements responsables envers leurs citoyens alors que les aides rendent les gouvernements responsables envers leur donateurs étrangers.

Les jurisdictions confidentielles clament régulièrement que leur rôle est promouvoir l’efficacité dans les marchés financiers, mais leur confidentialité est totalement contradictoire avec leur objectif annoncé: les marchés financiers ont besoin de plus de transparence, pas plus d’opacité.

Après les attaques du 11 septembre, l’administration de George W. Bush a soudain souhaité plus de transparence et de coopération de la part des jurisdictions confidentielles pour mieux comprendre le financement des terroristes. Mais en même temps, elle voulait laisser intact l’évasion fiscale.

Avec ces jurisdictions, il y a souvent un problème du chien qui se mort la queue: vous ne pouvez pas prouver un crime tant que vous n’avez pas certaines informations, et vous ne pouvez pas obtenir ces informations si vous ne pouvez pas montrer le crime. Les normes et les demandes internationales d’information sont la plupart du temps quasiment inutiles…

Toutes ces aberrations survivent car elles ont ont beaucoup plus de chance d’exister si elles bénéficient directement à des groupes riches et puissants… ce qui est le cas!

Chapitre 11 – La vie offshore, le facteur humain

La vie offshore est perverse: la confidentialité est bonne et tout ce qui rapporte de l’argent est bon; par contre, si vous casser le secret alors vous êtes un traitre, un paria!

Les banques fictives sont au coeur du système offshore. Elles sont la souvent gérées par un agent dans un paradis fiscal, comme une grande banque internationale bien connue, qui rassure et qui n’a au final aucune responsabilité et véritable connaissance des opérations de l’agent. La banque fictive peut par exemple être aux Bahamas, mais les propriétaires et gérants peuvent être n’importe où ailleurs.

La plupart des personnes qui travaillent offshore ne voient qu’une petite partie sans vraiment comprendre tout ce qui se passe. Et si jamais vous tirez la sonnette d’alarme, vous êtes mort, physiquement et économiquement à cause des forts réseaux autour du système. Un peu comme dans le film “La firme” avec Tom Cruise… Jersey est rempli de ces réseaux secrets d’élite liés au secteur financier.

Dans ces petits états la pression peut être constante pour rester tranquille. Tout le monde connait tout le monde, les conflits d’intérêts et la corruption sont inévitables. C’est bien pour ces raisons que ces petites jurisdictions devraient être encore plus transparentes et contrôlées.

Comme avec les économies liées au pétrole, ceux tout en haut deviennent riches rapidement et ceux tout en bas voient leurs revenus stagner, voire baisser. Ces inégalités sont tolérées et même bienvenues pour motiver les plus pauvres à travailler encore plus pour réussir.

À Jersey toujours, les super riches et les entreprises ultra puissantes peuvent même négocier leur taux d’imposition, allant de 0% à 2% seulement les perspectives de bénéfices déclarés là-bas.

Les centres offshore jouent un rôle toujours plus important dans le monde. Les banquiers ont mis l’économie mondiale à genoux et sont toujours plus gourmands. Les super riches s’attendent à avoir un taux d’imposition inférieur au personnel de ménage dans leurs entreprises. Quand le célèbre musicien Bono du groupe U2, un des plus fervents défenseurs de la lutte contre la pauvreté, délocalise ses finances aux Pays-Bas pour éviter de payer des impôts, reste toujours accueilli à bras ouverts par le public, la bataille semble perdue!

Chapitre 12 – Le griffon, l’entreprise City de Londres

On a vu que le terme “City de Londres” est assez abstrait en regroupe en fait l’industrie des services financiers au Royaume-Uni. Londres a plus de banques étrangères que n’importe quel autre centre financier. New York est plus important dans les domaines comme la titrisation, l’assurance, les fusions et acquisitions, la gestion d’actifs, mais la plupart de son business est local. Londres est donc le centre financier international et offshore le plus gros au monde.

Les premiers mouvements de dérégulation ont commencé dans la City pendant la chute de l’empire britannique, au moment où il simulait sa propre mort. Le mouvement s’est ensuite propagé au reste de la planète. Contrairement à la Suisse, le Royaume-Uni a choisi une autre approche du secret bancaire, au travers des paradis fiscaux qu’il contrôle ou influence fortement.

Après avoir déployé énormément d’efforts à courtiser les riches arabes dans les années 80, les riches japonais et africains dans les années 90, la City attirent maintenant les oligarques russes au travers de Chypre.

La toute dernière astuce se trouve maintenant dans le concept de “domiciliation” pour qu’un administrateur colonial anglais en Inde par exemple soit résident en Inde, mais domicilié en Angleterre. De nombreux propriétaires de hedge funds peuvent ainsi s’assurer que leurs revenus soient enregistrés en-dehors du Royaume-Uni pour éviter de payer des impôts.

La toile offshore britannique apportent à la City trois éléments importants:

  1. Les paradis fiscaux éparpillés partout dans le monde profite des business étrangers en faisant transitant les flux financiers par Londres.
  2. Elle fournit un mécanisme de stockage pour les actifs.
  3. C’est un filtre pour blanchir l’argent; la City est impliquée dans les sales business mais bénéficie d’une distance suffisante pour pouvoir nier toute implication.

L’Entreprise de Londres a institutionnalisé la mort de l’opposition politique au sein de la City pour construire une entité maléfique totalement gérée par l’argent. Au fil du temps, la défense de la liberté est devenue la défense de la liberté au profit de l’argent… contre les intérêts du reste du pays si nécessaire.

Le secteur financier est particulièrement difficile à taxer puisque les banques utilisent leurs positions offshore privilégiées pour éviter les impôts, et en même temps créent, financent et vendent des systèmes aux autres pour aussi éviter les impôts.

Souvent les placements derrière ces systèmes d’investissement ne sont pas rentable, mais avec l’aspect d’évasion fiscale, ils le deviennent. Beaucoup trop de conseils d’administrations au Royaume-Uni remplissent les conditions pour être considérés comme écologiques et diversifiés, mais récompensent leur directeur des finances pour abuser de leurs propres clients, les contribuables.

Les banques britanniques ne prêtent même pas aux autres industries britanniques: elles se prêtent entre elles, travaillent les unes pour les autres et gonflent les prix des actifs de manière artificielle et totalement instable.

La City crée un monde de plus en plus risqué… mais menace de délocaliser si elle est plus taxée ou régulée.

Conclusion, récupérons notre culture

Il est largement temps de récupérer notre culture! Le système offshore est un des plus gros facteurs qui influencent les systèmes politiques et économiques au monde.

Voici 10 recommandations pour lutter contre les systèmes offshore:

  1. Effectuer des réformes financières
  2. Rechercher d’une plus grande transparence
  3. Établir les priorités des besoins des pays en voie de développement
  4. Confronter la toile d’araignée britannique
  5. Opérer des réformes fiscales onshore
  6. Entreprendre des actions unilatérales
  7. S’attaquer aux intermédiaires et aux utilisateurs privés des paradis fiscaux
  8. Repenser la responsabilité des entreprises
  9. Ré-évaluer la corruption
  10. Changer la culture

Critique

Pour

  • Le livre décrit de manière complète et détaillée, et parfois choquante pour certains, les impacts néfastes de l’évasion fiscale, de la concurrence fiscale et des paradis fiscaux. Le tout constitue un système particulièrement complexe et souvent obscure, et pourtant qui régit des aspects essentiels de nos systèmes politiques et économiques à travers le monde.
  • De nombreux exemples viennent étayer les différentes théories en passant au crible la plupart des paradis fiscaux, majeurs et mineurs.
  • L’auteur essaie au maximum de ne pas véritablement prendre de parti politique et de rester neutre sur ces points.

Contre

  • Les solutions exposées à la fin du livre restent très succinctes pour ne représenter qu’1% ou 2% de la totalité du livre.
  • L’axe de recherche du problème et des solutions est clairement orienté vers le Royaume-Uni, le pays où l’auteur a été élevé. Il est né au Malawi et vit maintenant à Berlin en Allemagne.
  • L’auteur fait régulièrement un amalgame entre les 2 principaux aspects qui caractérisent les paradis fiscaux: confidentialité et faible imposition. Or la très grande majorité des problèmes cités à juste titre proviennent de la confidentialité et peu de la faible imposition. Pour moi, un pays qui taxe faiblement, sans gaspiller à outrance ses revenus est un pays efficace. À l’inverse un pays qui taxe lourdement comme la France, en gérant très mal ses budgets et en redistribuant stupidement ses aides est un pays vraiment inefficace. Blâmer les paradis fiscaux pour leur confidentialité, OUI; les fustiger pour la faible imposition, NON! Le blanchiment d’argent, le terrorisme, les crimes internationaux profitent avant tout de la confidentialité… sans elle, tout serait nettement plus difficile. Il ne faut pas tout mettre dans le même paquet!
  • L’exemple de Bono peut paraitre paradoxale: c’est un fervent défenseur de la lutte contre la misère et pourtant il profite d’un paradis fiscal! Mais ça ne prouve en rien la théorie de l’auteur, au contraire, ça l’anéantie! Bono ne supporte plus les abus, le gaspillage, la mauvaise gestion des impôts. Beaucoup de super riches préfèrent garder leur argent, le gérer eux-mêmes en opérant activement pour leur cause tout en gardant le contrôle pour une meilleure efficacité. Est-ce que la démarche de Bono prouve qu’il est mauvais et a un double discours? Ou est-ce qu’elle prouve que les paradis fiscaux (pour leur partie faible imposition, PAS confidentialité) ne sont pas si mauvais que ça et permettent à certains d’opérer plus efficacement avec moins de gaspillage?

C’EST À VOUS: Quelle est votre position sur les paradis fiscaux? Après du travail acharné, si vous réussissez dans la vie et devenait un “super riche”, est-ce que vous préférez redistribuer une partie de cette richesse aux causes que vous souhaitez défendre en agissant activement? Ou est-ce que vous préférez que votre argent parte dans un gouffre sans fin et soit gaspiller en masse avec les impôts? La deuxième option est un peut-être un joli leurre pour avoir la conscience tranquille “en payant ses impôts comme il se doit pour un bon citoyen”…

Lire des commentaires en français de “Treasure Islands: Tax Havens and the Men who Stole the World” sur Amazon.fr

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2 réponses

  1. Bonjour Ben, je me moque bien des paradis fiscaux. Le problème n’est pas là. Les réformes bancaires et tout le tralala, on s’en moque. Comme c’est – à peine abordé – dans ce livre (d’après ce que tu écris) les grandes banques sont le problème. Les crises financières elles adorent ça. Il n’a pas été question du FMI et de la FED. Ces entités créent de la monnaie virtuelle. En cas de crise financière les actifs s’effondrent et les banques ramassent.
    En france on a l’exemple d’une banque spécialisée dans le domaine agricole. Les exploitations n’ont fait que disparaître et la petite banque mutualiste est devenu un géant. Comment ? Alors que ses premiers clients ont quasiment tous été ruinés ?

    La solution pour sortir de la crise (des crises) est de retirer le pouvoir à ces tirants. La Boétie disait que les puissants ne peuvent vivre sans leurs esclaves. Et que les esclaves pouvaient très bien vivre sans eux.
    Cessons de leur donner les moyens de leur pouvoir :
    refusons la monnaie électronique, la consommation à outrance, les médias, leurs politiques, …

    Tiens, rien qu’en europe. Il faut rejeter l’ue qui n’est qu’un mouvement fasciste dictatorial créateur de chômage et de crise. La solution est toute trouvée. Il faut sortir de l’europe. Donc voter pour ceux qui veulent sortir de l’europe.

    D’autre part, les USA cherchent quand même à tracer tous les flux financiers pour les taxer. On assiste juste au jeu du chat et de la souris. Dans ce jeu les particuliers sont plus faciles à chasser. Les mesures qui sont en cours de mise en place permettront de les taxer à volonté (et à mort).

    • Salut Michel,

      Merci de partager ton point de vue!

      Les banques, les gouvernements corrompus, les boites d’audit (au travers de leur comptables et avocats) sont clairement pointés du doigt dans le livre, et je suis navré si ce n’est pas suffisamment ressorti de mes articles. Ce n’était pas mon impression…

      Je persiste à dire que rien ne changera vraiment puisque ceux qui ont les moyens de changer ces mécanismes sont justement les premiers à en bénéficier… ils n’ont donc aucun intérêt à ce que ça change vraiment. Les “mesures” annoncées ou prises ne sont que poudre aux yeux pendant que ces mécanismes sont renforcés ou que d’autres sont mis en place.

      Ben

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